Monday, August 17, 2009

ΔΕΚΑ ΠΟΙΗΜΑΤΑ ΤΟΥ ΠΩΛ ΕΛΥΑΡ ΠΟΥ ΜΕΛΟΠΟΙΗΣΕ Ο ΜΙΚΗΣ ΘΕΟΔΩΡΑΚΗΣ



DIX POÈMES DE PAUL ELUARD MIS EN MUSIQUE PAR MIKIS THEODORAKIS


ELLE VA S'ÉVEILLER D'UN RÊVE NOIR ET BLEU


Elle va s'éveiller d' un rêve noir et bleu
Elle va se lever de la nuit grise et mauve
Sa jambe est lisse et son pied nu
L'audace fait son premier pas

Au son d'un chant prémédité
Tout son corps passe en reflets en éclats
Son corps pavé de pluie armé de parfums tendres
Démêle le fuseau matinal de sa vie


PRÈS DE L'AIGRETTE DU GRAND PONT

Près de l'aigrette du grand pont
L'orgueil au large
J'attends tout ce que j'ai connu
Comblée d'espace scintillant
Ma mémoire est immense.

La bonté danse sur mes lévres
Des haillons tièdes m'illuminent
Une route part de mon front
Proche et lointaine
La mer bondit et me salue
Elle a la forme d' une grappe
D'un plaisir mûr

J'aimais hier et j'aime encore
Je ne me dérobe à rien
Mon passé m'est fidèle
Le temps court dans mes veines


SOUS DES POUTRES USÉES

Sous des poutres usées sous des plafonds stériles
Dans une vaste chambre petitement gamie
Les genoux ligotés confèrent qualité
A la ligne droite misérable

Ses cheveux pris au piège d'un miroir brisé
C'est sur la mousse de son front que l'eau roucoule
La dérive évasive d'un sourire entraine
Sa dernière illusion vers un ciel disparu


DANS LES PARAGES DE SON LIT

Dans les parages de son lit rampe la terre
Et les bêtes de la terre et les hommes de la terre JJ
Dans les parages de son lit
Il n'y a que champs de blé
Vignes et champs de pensées

La route est tracée sans outils
Les mains les yeux mènent au lit
A l'ardent secret révélé
Aux ombres taillées en songe

Délié des doigts de l'air l'élan
Le vase d'or d'un baiser

La gorge lourde et lente
Par mille gerbes balancée
Arrive aux fêtes de ses fleurs
Elle donne soif et faim

Son corps est un amoureux nu
Il s'échappe de ses yeux
Et la lumière noue la nuit la chair la terre
La lumière sans fond d'un corps abandonné
Et de deux yeux qui se répètent


MES SOEURS PRENNENT DANS LEURS TOILES


Mes soeun; prennent dans leurs toiles
Les cris et les plaintes des chiens
Moi je préfère me nourrir
De l'espoir d'une ardeur sans fin
Oranger noir armure blonde
Grisante abeille rire en course ~
Rire invisiblement masqué
Ecorce d'aube aile étourdie
Nichée de feuilles débauchées
Jeune poison liane montagne
Sueur de nage fumée froide
Pas de géant danse battante
Front éternel paume parfaite
Puits en plein air essieu de vent
Monument vague flamant fou
Jeu sans perdant santé sans trous
Torche brûlant dans l'eau tour mixte
Martyr radieux aux angles vifs
Oeil clair à travers honte et brume
Première neige réjouissante
Mérite de la solitude
Exil aux sources de la force


J'AI LE POUVOIR D'EXISTER SANS DESTIN

J'ai le pouvoir d'exister sans destin
Entre givre et rosée entre oubli et présence

Fraîcheur chaleur je n'en ai pas souci
Je ferai s'éloigner à travers tes désirs
L'image de moi-même que tu m'offres
Mon visage n'a qu'une étoile

Il fant céder m'aimer en vain
Je suis éclipse rêve de nuit
Oublie mes rideaux de cristal

Je reste dans mes propres feuilles
Je reste mon propre miroir
Je mêle la neige et le feu
Mes cailloux ont ma douceur
Ma saison est éternelle.

Et par la grâce de ta lèvre arme la mienne.


JE TE L'AI DIT POUR LES NUAGES


Je te l'ai dit pour les nuages
Je te l'ai dit pour l'arbre de la mer
Pour chaque vague pour les oiscaux dans les feuilles
Pour les cailloux du bruit
Pour les mains familières
Pour l'oeil qui devient visage ou paysage
Et le sommeil lui rend le ciel de sa couleur
Pour toute la nuit bue
Pour la grille des routes
Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert
Pour tes pensées pour tes paroles
Toute caresse toute confiance se survivent


TA CHEVELURE D'ORANGES

Ta chevelure d'oranges dans le vide du monde
Dans le vide des vitres lourdes de silence
Et d'ombre où mes mains nues cherchent tous tes reflets.

La forme de ton coeur est chimérique
Et ton amour ressemble à mon désir perdu
O soupirs d'ambre, rêves, regards
Mais tu n'as pas toujours été avec moi. Ma mémoire
Est encore obscurcie de t'avoir vu venir
Et partir. Le temps se sert de mots comme l'amour.


LA COURBE DE TES YEUX

La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sùr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs.

Parfums éclos d'une couvée d' aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.


LEURS YEUX TOUJOURS PURS

Jours de lenteur, jours de pluie,
Jours de miroirs brisés et d' aiguilles perdues,
Jours de paupières closes à l'horizon des mers,
D'heures toutes semblables, jours de captivité.

Mon esprit qui brillait encore sur les feuilles
Et les fleurs, mon esprit est nu comme l' amour,
L'aurore qu'il oublie lui fait baisser la tête
Et contempler son corps obéissant et vain.

Pourtant, j'ai vu les plus beaux yeux du monde,
Dieux d'argent qui tenaient des saphirs dans leurs mains,
De véritables dieux, des ois.

Leurs ailes sont les miennes, rien n'existe
Que leur vol qui secoue ma misère,
Leur vol d'étoile et de lumière
Leur vol de terre, leur vol de pierre
Sur les flots de leurs ailes.

Ma pensée soutenue par la vie et la mort.



© Paul Eluard - Editions Gallimard. "Le livre ouvert I - Médieuses, 1938-1944", 1947 - "L'amour la poésie", 1929 - "Capitale de la douleur", 1926.